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IV° et V° République, nouveaux regards. Compte-rendu d'un stage PAF

Le 17 février 2011, Anne Inglebert animait un stage de formation consacré aux deux sujets d'étude "De l’État français à la IVe République (1940- 1946)" et "La Ve République, une République d’un nouveau type ?". Plusieurs approches et périodisations novatrices y ont été proposées. Compte-rendu synthétique.

Introduction G. Labrune

 

La question est : « De combien de temps je dispose pour traiter ce sujet ? ».  Le programme de l’année s’intitule « Etat et société ». La société n’est donc pas absente : on la retrouve dans les situations et mots-clés tels que « la rafle du Vel. d’hiv », Mai 68 et les cohabitations). Tout n’est pas politique. Il faut chercher des points d’appui dans « Orientations et mots clés ».

 

Comment périodiser ce qui relève de la V° ?

 

Comment échapper à une périodisation classique qui tournerait soit autour des présidences soit les années de G. Pompidou puis de Giscard puis d’après 81 ?

Quelles périodisations sont proposées par des historiens ?

Certaines peuvent déboucher sur une mise en œuvre en LP.

Sylvie Thénot : la Guerre d’Algérie, centre de l’histoire de la IV° et la V° République.

1957-1959, le cœur de l’affrontement. Coupure traditionnelle : 13 mai 1958. Elle implique le danger d’une histoire téléologique de la IV°. L’intérêt de la périodisation de Thénot est que 1958 est l’insertion dans chronologie plus large.

Les débuts de la V° sont dominés par la question algérienne, par « les années algériennes ». L’Algérie est au cœur de la vie politique et contribue fortement au renforcement du pouvoir exécutif.

La métropole devient un des espaces de la Guerre d’Algérie. On peut estimer qu’entre 54 et 62, la France est en guerre et l’un des théâtres de la guerre est la métropole. Entre 58 et 62, le contrôle policier et la répression sur les Nord-Africains s’exercent de manière accrue : création de sections chargées de la surveillance et du contrôle des Algériens en France, brigades des agressions et violences (BAV).  De plus, l’Etat mène une politique contre le FLN : « le système Papon ». Papon relaie l’objectif de l’état : anéantir les réseaux FLN. La police devient plus efficace sur cet objectif. Le service de coordination des affaires algériennes est créé qui active la multiplication des expulsions, le fichage, le contrôle des Algériens en France. Il vise à désorganiser les structures qui viennent en aide au FLN. De plus, il y a la création d’une force de police auxiliaire qui torture entre 60 et 62. Entre 58 et 62, la répression contre FLN s’intensifie et atteint un haut niveau de violence.

3° point : Deux massacres d’Etat caractérisent les début de la V° Répression : 17 octobre 61 puis Charonne (62). 120 morts pour le premier ; 9 morts Charonne. Les massacres sont organisés, ils ne sont pas le fruit d’un accident.

 

De Gaulle a la volonté d’isoler les années algériennes d’où certaines réformes qui suivent la fin de la guerre.  Sur l’Algérie, on constate des réticences chez Debré mais pas seulement chez lui : chez beaucoup de cadres de l’UNR.

JF Sirinelli : périodisation autour des « 20 décisives ».

 

Les années 65-85 constituent une période très importante qui change profondément la France. Cette périodisation n’est pas une périodisation politique classique ni celle des 30 glorieuses. Certes, il y a les mutations économiques et sociales (qui ne sont pas au programme) mais ces années sont décisives sur le plan politique. Notion d’ « éco-système » mise en place par JF Sirinelli : équilibre toujours fragile entre le régime politique, ses institutions, la pratique du pouvoir et la société. Entre 65 et 85 tous les éléments de cet éco-système n’évoluent pas au même rythme : il y a un croisement de temporalités. Sirenelli reprend l’idée que les débuts de la V° République sont dominés par la guerre d’Algérie et son dénouement. Mais il ajoute que les années 70 et 80 entrainent des changements de configuration politique et sociale. Point d’équilibre de l’éco-système : cap de Mai 68 et la démission de de Gaulle. La mort de de Gaulle passée, la vie politique est structurée autour de 4 partis politiques, le quadrille bipolaire. Puis on constate des modifications induites par la croissance.  Le développement de la crise introduit des dérèglements dont le majeur est l’alternance économique (croissance ralentie, fin du plein emploi, inflation). L’impopularité politique devient alors un élément structurant de la V° République. La gauche devient une alternative, il n’y a pas nécessairement de prime aux sortants ce qui implique une fragilisation de toutes les équipes qui sont au pouvoir : 86 ; 88 ; 93 : fréquence de l’alternance politique. Bien que les institutions, construites dans un pays prospère et tourné vers le progrès, ne bougent pas, elles fonctionnent 30 ans plus tard dans un pays à la configuration très différente. Le milieu des années 80 est un pivot car il y a alternance avant cohabitation et les mutations des trente glorieuses s’achèvent. Dans la 2° moitiés des années 80, on constate l’accroissement des inégalités et la fin des mutations. L’approche par générations est valide : dans les années 70, les baby-boomers arrivent au vote. A partir des années 80, de nouvelles générations arrivent au vote : moins d’accord sur les institutions, vote pour des extrêmes. Le socle de la V° République se transforme ou se déséquilibre.

3° périodisation : autour de Mai 1968

 

Mai 68 doit être intégré dans une séquences plus longue ; les années 68, moyenne durée. Mai 68 se poursuit après 1968 jusqu’en 1981. Persistent les conséquences, la mémoire de 68 et la contestation qui y est liée.

Période de 66-67 => 81 = Entre deux Mai.  L’événement vaut comme rupture et comme recomposition. Pas d’approche téléologique de 68. Pas d’étude des causes de Mai 68. Mais de sa filiation.

 

Conclusion : ne pas se centrer obligatoirement sur les présidences de la République.

 

L'élection présidentielle et le renforcement du pouvoir exécutif : une monarchie républicaine entre 1958 et nos jours. 

De Gaulle renverse la culture républicaine française qui s’est constituée sous la III° avec la prééminence du législatif qui est incompatible avec pouvoir exécutif fort (cf. la crise du 16 mai 77 et la constitution Grévy). Renversement qui n’était pas une évidence car cette culture revient en force après la guerre : la IV° République reprend la III° République, Cf. démission de de Gaulle en 46 et les discours de Bayeux et d’Epinal en 46 qui affirment explicitement que si de Gaulle revient au pouvoir alors il y aura un changement d’institutions.

 

Comment expliquer ce renversement ?

 

Analyse de Berstein : la pratique politique est calquée sur la chaîne de commandement militaire : stratégie par chef Etat Major, généraux qui coordonnent la mise en œuvre puis officiers qui exécutent => Président de la République puis 1er ministre puis ministres. De plus, pour de Gaulle, la République n’implique pas la prééminence du législatif. La République assure l’autorité de l’Etat et donc un exécutif fort.

Ce qui change, ce sont les moyens que l’on donne au Président : référendum, Article 16, droit de dissolution.

Il y  a affermissement d’une monarchie Républicaine entre 58 et 62, dans le texte, dans l’esprit et dans la pratique des institutions. Toute la période est marqué par le contexte de la guerre d’Algérie. Seul de Gaulle semble capable de résoudre la guerre d’Algérie. La pratique est essentielle et prime le texte car selon l’article 20 de la constitution, le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Le « domaine réservé » est issu de la pratique. Le premier ministre est un homme du Président et les ministres sont des exécutants. Le conseil des ministres est le conseil du président. Cette prééminence se manifeste à l’occasion des référendums. La révision de 62 ne relevait sans doute pas du référendum mais plutôt de l’Article 89… Le recours au référendum est issu de la pratique davantage que du texte.

 

Comment les différents présidents se sont appropriés cette culture de monarchie républicaine ?

 

Les cohabitations n’ont rien menacé. Cette monarchie se pérennise après de Gaulle. Pompidou, par le renvoi de Jacques Chaban-Delmas, renforce le domaine réservé, puis VGE, François Mitterrand et Jacques Chirac se coulent dans le moule. Tous essaient d’avoir un parti qui leur donne la majorité. Il y a une volonté marquée de neutraliser le contrôle effectué par le gouvernement. Ce fonctionnement ne connaît pas d’accrocs jusqu’en 1986, la monarchie n’est pas remise en cause. Elle semble être adaptée aux évolutions : perte de l’empire, évolutions économiques et sociales, construction européenne.

 

Les cohabitations ou le passage au quinquennat remettent-elles en question cette logique ? 3 cohabitation : 86, 93, 97. La cohabitation implique un partage du pouvoir. Le Président mène une défense acharnée du domaine réservé. L’article 20 est pleinement respecté. De plus, dans les années 2000, apparait un accord général pour une révision constitutionnelle.

Aucun de ces deux éléments ne mettent fin au renforcement du pouvoir présidentiel. Le quinquennat, qui avait été exclu par de Gaulle car il ne correspondait pas à esprit de  la constitution, implique pourtant que le Président n’est plus un arbitre mais un recours.

Le Président est ramené dans le quotidien. Même les réformes de 20O8 ne remettent pas en cause la puissance présidentielle.

Aujourd’hui, un changement de nature ?

 

1) Un Président, Nicolas Sarkozy, qui s’affirme de droite. On s’éloigne du gaullisme qui se veut l’incarnation d’une unité au dessus des partis.

De Droite mais laquelle ? L'historien Michel Winock ajoute une quatrième à celle de René Rémond. Il est de toutes les droites. Le bonapartisme : oui car il se montre en rupture avec le consensus économique et social dominant. Orléanisme : oui. Cf. Guizot : « enrichissez vous par le travail et par l’épargne ». Légitimiste : discours de Latran 2007-ou 2088. Foi commune, importance des prêtres. 4° droite : populiste et/ou nationaliste : répression contre les délinquants… D’où synthèse des droites en 2007.

 

Marcel Gauchet :

2) Une page se tourne dans les institutions de la V° : fin de la Présidence au-dessus des partis. Premier Président de l’ère des medias. Les médias peuvent changer la façon de gouverner.

 

3) On peut définir les Président selon leurs « grands » dessins. De Gaulle : redonner à la France sa place ; Pompidou, les grands projets, l’industrie, VGE, la modernisation, FM : l’Europe ; Chirac fin fracture sociale ?

Mais quel est le grand dessein de N. Sarkozy ? Avec quoi souhaite-t-il rompre ?

On note une inversion des rapports entre la fonction / la personne.

 

Le moment Mai 68

 

1-    une crise étudiante jusqu’au 13 mai.

2-    une crise sociale 13 24 mai

3-    Crise politique à partir du 24 mai.

Mais Mai 68 ne se déroule pas qu’à Paris ! D’où une complexification spatiale et chronologique.

Le mouvement de fond des occupations n’est pas pris en compte suffisamment (Zuccharini-Fournel) : lycées, usines, université…

 

Quelle reprise par les medias ? Le 22 mars n’est pas abordé le 23 mars ! La presse n’en rend pas compte. Emergence en juin dans les media. Le mois de mai fait la fortune du 22 mars. Manifestation du 30 mai n’est pas perçue à sa valeur sur le moment. C’est la suite qui fait que début de la fin et nomination « Mai » 68 or les occupations continuent : ainsi l’ORTF jusqu’en juillet.

 

Une périodisation, celle des acteurs.

 

Début mai – 12 mai : acteurs étudiants et lycéens à Paris et en province.

13 mai – 16 juin : 13 mai grande journée d’unité. Grève syndicats qui rejoignent le mouvement. Début de mouvements spontanés d’occupations d’usines.

16 juin évacuation de la Sorbonne. Symbolique mais de la fin. Tournant 24-30 mai crise politique. Départ de de Gaulle.

 

Début mai – 12 mai : 1ère grande nuit de manifestation et d’émeute au quartier latin.

Première manifestation à Toulouse en avril puis début mai d’autres villes : Strasbourg, Marseille, Lyon… C’est le mouvement lycéen qui irrigue. Présence forte des lycéens.

Droit et médecine un peu à l’écart. Sciences moins touchées que Lettres.

Les affrontements sont violents et les blessés importants. L’opinion bascule du côté des manifestants.

13 mai basculement : les syndicats appellent à manifs unitaires. Des catégories de personnes qui ne se mobilisent guère s’en mêlent. Cadres, contremaitres, travailleurs immigrés de chez Renault. Ces grèves sont plus spontanées que font suite à l’appel des syndicats. L’occupation de Sud-aviation à Nantes est vite relayée. Puis Renault Cléon.

Les 16 et 17 mai la CGT essaie de contrôles les grèves. Occupation de théâtres, grève de l’ORTF. Extension au service public à partir du 15 mai. D’où l’impression au 20 que le pays est arrêté alors que la grève n’est pas totale. Symboles forts : train, école, poste, poubelles. Les entreprises sont loin d’être toutes en grèves : + les grandes – les PME ; - dans l’alimentaire + dans la mécanique, les raffineries.

Mais historiquement les grèves sont les plus longues et les plus importantes du XX°. Association entre secteur public et privé. Les motivations des grévistes : =té et dignité.

 

13 mai-16 juin : les arrêts sont très progressifs. Les mouvements de prise de parole dans les lycées, les usines ont encore largement lieu. Il faut donc se méfier de la chronologie habituelle.  Fait d’expériences individuelles, pas seulement des militants, des leaders… Poids du collectif, de la dimension culturelle. Diversité des sujets abordés. A l’intérieur de ce moment « Mai 68 », il y a le tournant du 24 au 30 mai. Les 23 et 24 mai recrudescence des manifestations à cause de l’interdiction de séjour de Daniel Cohn-Bendit. Idée de la nation assiégée et nécessité de défendre l’ordre. Premier mort : Lyon, un commissaire de police. Compromis manqué de Grenelle. Illusion que le pouvoir était à prendre. Mais les préfets, la police, l’armée, tiennent bon. Le 28 FM : « Je pourrai être candidat d’une gauche unie. » DG est parti mais l’état résiste. La manif du 30 mai = projet évoqué et début d’organisation dès le 28 mai.

Le soir du 30 mai, les cortèges syndicaux reprennent, les occupations demeurent.  On met en scène qu’après le 30 mai, il n’y a plus rien. Or à Flins, le travail ne reprend que le 19 juin.

 

Après Mai ?

 

Persistance de la contestation étudiante et lycéenne, jusqu’en 1976. Loi Debré qui supprime le sursis pour les étudiants.

Contestation des travailleurs : récurent après 68. Radicalisation et conflits emblématiques : Larzac, Lipp, Xion des licenciements et milices contre les grévistes. 1972, Pierre Overnet est tué par un vigile. 120 000 personnes suivent l’enterrement. Pas bcp de mémoires. Pourquoi ? Le continent ouvrier est devenu un non lieu.

 

Les usages po du passé : Droit pour les femmes. Les droits pour les homosexuels émergent. Depuis fin 90 et 2000, on note un procès de 1968. Luc Ferry, Finkielkraut : dissolution des mœurs, affaiblissement du goût de l’effort, du travail. 

Instrumentalisation de l’histoire à son comble en 2007.

Le fantôme de Mai est là.