Aller au contenu. | Aller à la navigation


Outils personnels

This is SunRain Plone Theme
Vous êtes ici : Accueil / Archives / 2016 / Première / Les philosophes des Lumières et le combat contre l'injustice / Séquence "Une action juste l'est-elle pour tout le monde ?"

Séquence "Une action juste l'est-elle pour tout le monde ?"

La séquence proposée, s’inscrit dans l’objet d’étude : « Les philosophes des Lumières et le combat contre l’injustice ». La question que nous nous sommes posés est : « une action juste l’est-elle pour tout le monde ». La séquence a été testée en début d’année scolaire 2010, avec des élèves de bac pro électrotechnique et de bac pro usinage.

Je suivais mes classes, ce qui m’a permis de travailler dans la continuité des cours de seconde. En effet j’avais terminé l’année sur la construction de l’information, c’est pourquoi j’ai voulu démarrer avec un fait divers, et l’affaire Luigi Duquenet (jeune rom de 22 ans tué par un gendarme à Thésée-la-Romaine qui a entraîné une polémique politique sur les gens du voyage).  Le choix du thème s’est imposé à moi durant l’été : la question des ROMS. a été soulevée alors même que je cherchais une idée de séquence sur les philosophes des Lumières et le combat contre l’injustice.  J’ai fait également le lien avec le cours d’Education Civique,  que j’ai traité conjointement autour de « citoyen français, citoyen européen ». Il s’agissait de travailler sur les conditions d’accès à la citoyenneté française dans  un premier temps, puis de travailler sur le cas particuliers des ROMS en France : citoyens français, étrangers, européens…, leurs droits et leurs obligations en France.

Concernant cette séquence en particulier, mon but était de montrer aux élèves que le mot juste n’a pas la même « résonance » sorti de son contexte. Il fallait aussi qu’ils comprennent que les notions de justice et de liberté sont étroitement liées et qu’elles dépendent donc des lois dans lesquelles elles évoluent. A partir du thème des gens du voyage, je voulais les amener à se rendre compte que nos préjugés sont de la méconnaissance de l’autre et que la tolérance est une valeur nécessaire à la vie en société.

Voici comment j’ai présenté cette séquence aux élèves :

La première séance avait pour finalité de découvrir la problématique que je n’ai donc pas donnée au départ.

L’article de Mourad Guichard  paru sur le site de  Libération le 19 juillet 2010, a d’abord été lu en découverte d’un fait divers. Puis nous avons recherché ensemble le déroulement de l’affaire dans un échange oral. Suite à quoi je leur ai demandé de résumer les faits par écrit. Ce travail ne demande pas plus de 5 minutes, la reprise se fait par la lecture de quelques productions d’élèves.  Après avoir abordé le problème à l’oral en leur demandant « qui a eu tort d’après vous  ?», je leur demande d’écrire quelques lignes sur la question suivante : « pourquoi peut-on dire que les gendarmes ont fait une action juste ? ». Il  ressort de ce travail d’écriture que les gendarmes sont les représentants de la loi, que la communauté gitane n’a pas à régler ses comptes elle-même, que c’est à la Justice de « trancher ».

            Un second article du même auteur paru le 23 juillet 2010, est ensuite distribué. Il amène une autre version du drame. Les élèves travaillent alors directement à l’écrit sur la question : « Comment peut-on comprendre la réaction des gens du voyage ? » à partir d’une étude des deux textes. Ce travail commencé en cours devait être terminé pour le cours suivant.

            Ce lancement m’a donc pris une heure.

            C’est au début de la deuxième séance, et en écoutant quelques élèves nous faire part de leur travail, que l’on dévoile la problématique : « Une action juste l’est-elle pour tout le monde ? »

Dans le cas qui nous concerne, les gendarmes ont opéré justement mais les gens du voyage ont aussi leurs raisons de trouver cette action injuste.

Les élèves étaient très actifs, ils avaient entendu parler du problème, voulaient le comprendre ou avaient un avis, la séance démarre par un résumé de ma part sur l’évolution du fait divers vers un fait de société.

 Le troisième article de presse est distribué : celui de François Sergent dans Libération le 23 juillet 2010. Cette fois il s’agit d’un éditorial dans une parution nationale, on montre l’évolution du problème et on lit ensemble le texte qui indique le point de vue du journaliste.  Il est plus difficile à comprendre pour les élèves, on s’arrête donc sur les termes difficiles : stigmatisation, ethnique, boucs émissaire (mot sur lequel on reviendra plus tard dans la séance sur le lexique).  On fait une analyse plus détaillée : le premier paragraphe fait référence à des éléments vus en Education Civique, on les rappelle dans un échange oral. On travaille aussi sur l’idée de présomption d’innocence, et enfin je fais remarquer aux élèves les procédés d’écriture qu’utilise le journaliste pour prendre la défense des Roms.

A partir de là, j’ai interrogé les élèves sur leurs connaissances des gens du voyage, les préjugés sortent rapidement, on remet les vérités en place. Il m’a manqué, peut être, à ce moment là, la possibilité de prendre appui sur des textes, des documents que j’aurai fournis à chacun des deux groupes pour étayer leur argumentation.  Je me suis simplement appuyée sur mes recherches.  Le but de cette mise au point  était de faire émerger des points de vue opposés : selon vous, les Roms sont-ils des boucs émissaires ?  Le débat oral est organisé, les deux groupes se sont vite formés, assez équilibrés, je n’ai pas eu besoin d’intervenir, le sujet plaisait…

Ce débat permit de mettre en évidence que même au sein de la classe, les avis divergeaient parce que les élèves n’avaient pas la même vision des protagonistes de l’action dénoncée. L’image que l’on se fait des acteurs d’une action peuvent nous amener à la trouver juste ou injuste. Cette séance a pris deux heures. Une heure pour résumer le problème et travailler le texte, une heure pour organiser le débat.

 Si j’ai choisi, dans ma troisième séance, de travailler la nouvelle de Didier Daeninckx, « Nous sommes tous des gitans belges » (disponible dans le recueil Les Sorciers de la Bessède paru aux éditions Librio), c’est parce que cette histoire nous montre l’importance des valeurs humaines de respect, de tolérance et d’entraide dans les difficultés. Quand la situation change, lorsque le paysan se retrouve sur les routes de Belgique à fuir les Allemands, il ne voit plus les tziganes de la même façon : « ses lois », ses priorités ont changé, il n’est plus sur sa propriété. L’injustice pour lui serait qu’on refuse de l’aider alors que sa femme est enceinte. On montre ici aux élèves que  les aléas de la vie peuvent  amener à être dans une position moins confortable, il est donc important de s’attacher plus à des valeurs et les défendre.

            Ce choix a été aussi guidé par le programme d’Histoire, (sujet d’étude 4, De l’état français à la IV° république), par lequel j’ai commencé l’année  (après le cours d’Education Civique). J’ai fait une première lecture, les élèves ont ensuite relu à haute voix, passage après passage, et nous avons analysé le texte.

Ce travail nous a pris entre une et deux heures suivant les classes.

Le travail d’écriture créative qui a suivi en séance 4, sur une heure,  consistait à réécrire la fin de la nouvelle en imaginant que les gitans aient refusé d’aider Demuicq. Les élèves reprenaient l’écriture à partir du passage: « Les deux hommes souhaitent se concerter… ». Un des deux gitans voulait aider le paysan, pas l’autre. Au final les gitans refusaient de prendre Demuicq en charge considérant qu’il n’avait pas été juste avec eux : dialogue présentant deux thèses opposées et inséré dans le récit. Dans leur réalisation de ce travail, les élèves devaient respecter le contexte de l’histoire et  revenir sur ce qu’il s’y était passé. Sur le plan argumentatif, j’attendais une discussion entre les deux gitans sur la justesse de l’action qu’ils allaient décider. Cette réécriture a montré la nécessité de faire un travail en rapport avec le champ linguistique lié à l’objet d’étude,  sur les mots : juste et injuste. Par exemple,  les élèves n’utilisaient pas de synonymes de ces deux mots dans leurs productions.

            Je leur ai demandé de trouver pour la séance suivante les définitions des mots suivants : juste et Les Justes. Ils devaient rechercher également quelques synonymes et des expressions dans lesquelles on évoquait la justice.

La cinquième séance a démarré par la reprise en commun de leur recherche lexicale. Puis j’ai distribué des exercices sur le classement des mots selon leur nature grammaticale, sur les recherches de synonymes et antonymes du mot juste. Enfin à partir de leur recherche sur les expressions, on a pu expliquer l’origine de certaines d’entre-elles (dont « boucs émissaire »).  Ce travail a pris une heure.

Lorsque je leur ai rendu le précédent travail d’écriture créative, je leur ai demandé de corriger (en Accompagnement Personnalisé ou chez eux) leur copie en utilisant des synonymes et des expressions vues dans cette séance.  C’est seulement à ce moment là que j’ai noté leur rédaction.

            Pour terminer cette séquence, j’ai voulu intégrer la philosophie des lumières dans une sixième séance. J’ai choisi  l’article « Réfugiés » de l’Encyclopédie.  Il arrivait à propos après la nouvelle. On a évoqué à l’oral les réfugiés de guerre. Les élèves ont rapidement fait le lien avec les gens du voyage, d’autant qu’en Education Civique, nous  avions évoqué des Roms victimes collatérales du conflit Serbo-Albanais au Kosovo (1999). Cette définition de L’Encyclopédie m’a amené aussi à travailler sur le plaidoyer et à expliquer le fonctionnement de  l’encyclopédie.

Cet article est intéressant pour montrer aux élèves que les philosophes du XVIII° siècle dénonçaient l’injustice de l’expulsion des protestants, de la même manière que les journalistes d’aujourd’hui peuvent défendre les Roms.  La nécessité pour les philosophes des lumières de s’impliquer, de montrer leur opposition à la décision du roi, de défendre des valeurs, est toujours d’actualité.

Le travail d’écriture qui suivait, était conçu pour développer la même attitude que toute la séquence : être un citoyen conscient de la nécessité de s’impliquer et de défendre des valeurs. (Une loi votée peut elle  aujourd’hui paraître injuste aux yeux de certains ?  Expliquez votre position à partir d’un exemple précis. 15 lignes, utilisation du lexique juste injuste.) Il s’agissait de faire une argumentation délibérative utilisant les techniques vues dans le texte de L’Encyclopédie : interpellation, utilisation de figures d’amplification et de subordonnées relatives.  La loi sur l’expulsion des Roms et celle  sur le téléchargement illégal ont été les plus traitées dans mes deux classes.

Cette séance a duré entre deux et trois heures selon l’avancement plus ou moins rapide du travail d’écriture.

            On peut envisager de revoir ou de supprimer le passage sur la définition de Wikipedia.  Je l’ai laissé pour que les élèves confrontent les deux définitions : la comparaison avec le même terme dans l’encyclopédie en ligne (connue de nos élèves même si sa méthode n’est pas reconnue), permettait de travailler sur l’évolution du mot réfugié. Le but  était de montrer qu’une définition aujourd’hui n’a pas valeur argumentative contrairement à celle de L’Encyclopédie.

J’ai eu le temps de travailler en salle informatique, sur les philosophes ayant participé à l’Encyclopédie (avec un groupe, dans le cadre de l’AP).  Ils devaient présenter deux philosophes ayant collaboré à l’Encyclopédie et le domaine dans lequel ils étaient intervenus.  Cette recherche amenait un exposé oral de 10 à 15 minutes qui a été présenté à la classe. Ce travail a permis aux élèves de se rendre compte que l’Encyclopédie était une arme pour l’époque. Je leur ai alors demandé quelles sont les armes que nous avons aujourd’hui pour lutter contre l’injustice ?  Les réponses ont été : la presse, la Justice et les représentants politiques (vus dans le cas des Roms).

A la réflexion, il serait peut être intéressant de faire écrire aux élèves une définition, sous la forme d’un plaidoyer, concernant  les Roms (du kosovo par exemple, ou bien les Roms renvoyés aux frontières).

Le travail d’évaluation finale proposé ici n’a pas été fait par mes élèves. Je le présente simplement pour finaliser la séquence par une évaluation plus conséquente.

Au total j’ai travaillé sur 9 à 10 heures en fonction de la rapidité d’écriture des classes. Auxquelles on peut ajouter les 2 à 3 heures d’AP.

 

Béatrice Bricout

Groupe des Formateurs Lettres - Académie de Lille







 

Fichiers