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De l’intérêt d’Etherpad pour écrire ensemble

interface etherpad
 
interface etherpad
Etherpad est un nouvel outil numérique au service pour apprendre à travailler mieux avec les autres. Une réflexion détaillée sur un outil novateur pour travailler autrement l’écriture en classe avec les élèves... Si l’enseignant ne manque pas d’outils à sa disposition pour amener l’élève à apprendre individuellement, il peut se trouver plus démuni lorsque l’enjeu est de développer le travail de l’élève en groupe. Bien souvent, les élèves se montrent dénués de toute autonomie et semblent ne pas pouvoir se passer de l’enseignant comme s’il détenait tout le savoir...


 

 

De l’enjeu du travail de groupe

La capacité des élèves à travailler ensemble est souvent décevante dans la mesure où ces derniers n’accordent du crédit qu’à la seule parole de l’enseignant. Bien des apprentissages auraient pu être facilités par un dialogue inter-élèves. Proposer des stratégies permettant d’accroître la confiance entre les élèves s’avère donc essentiel pour permettre de fructueux échanges.

Argumentaire sur la plus value pédagogique de l’outil collaboratif etherpad.

Si l’interface partagée se rapproche de celle d’un wiki puisqu’elle consiste en une page blanche où chacun peut écrire en temps réel, Etherpad apporte en supplément un module de chat, c’est-à-dire une boite de dialogue qui se surajoute à l’interface de travail proprement dite : cohabitent donc deux outils : l’un concerne le travail proprement dit des élèves tandis que l’autre constitue le lieu de l’échange par excellence que ce soit comme espace de bavardage futile aussi bien qu’outil de métacognition du travail du groupe.

S’ouvrir aux autres

Virtuellement, c’est comme si l’on privait les élèves de la liberté de penser isolément car la page partagée entre les élèves est comme un livre ouvert sur l’identité de l’élève.

Etherpad peut donner l’ impression de priver l’ élève de sa liberté de pensée autonome puisque tout ce qu’ il écrit est immédiatement lu par les autres.

La première fois que l’on met les élèves devant cet outil, on observe des phénomènes de rejet, ce qui ne constitue pas, à mes yeux, l’indice d’un échec, bien au contraire, car ce rejet est justement le signe de la difficulté des adolescents à dialoguer entre-eux. Quand s’exacerbe le manque de confiance en soi et d’estime en l’autre, Il y a une forme d’autisme dans l’adolescence que l’usage d’Etherpad peut conjurer.

Ecrire devant l’autre, c’est faire une confession : chaque balbutiement est comme un aveu qu’on offre à la vue des autres. La confession n’ a pas sa place à l’ école : il s’ agit donc de bien insister sur le fait que le logiciel permet de dévoiler un processus d’ écriture et non une personne.

Ecrire dans Etherpad c’est prendre le risque de montrer à livre ouvert qui l’on est aux autres et c’est justement ce qui pose problèmes aux élèves qui souvent aiment à rester cachés, par peur et timidité. Il est entendu que qu’ il ne s’ agit pas de révéler l’ individu dans sa personnalité intime.

L’ activité s’ effectue dans un cadre scolaire et l’ élève n’ a pas à se mettre à nu. La déontologie de l’ enseignant est essentielle pour veiller à ce que l’ activité reste inscrite dans un cadre scolaire : l’ élève peut mentir, adopter une autre personnalité, inventer... pourvu qu’ il puisse écrire dans le respect d’ une consigne négociée collectivement. L’ objectif est de le faire progresser dans l’ écriture et non de faire de la psychologie sauvage.

Toute l’idée, c’est de laisser émerger les personnalités dans le cadre du groupe afin que s’affirment aussi bien des leaders qui emporteront l’adhésion du groupe, que des amuseurs qui s’empareront du module de chat. Peu à peu, une organisation s’effectue même si elle est peu productive.

L’enjeu est alors de faire passer l’élève du rôle de spectateur au rôle d’acteur. Si les premiers temps, ces échanges peuvent être vécus comme violents par les plus timides, la sensation de gêne s’efface dès qu’elle devient jeu de rôle, et bientôt travail d’équipe où chacun trouve sa place.

Ecrire avec l’autre, c’est découvrir qu’on partage les mêmes difficultés et et qu’on est complémentaire pour mieux réussir.

Un miroir au service de l’écriture

Etherpad apporte une incontestable plus-value pédagogique en permettant de suivre dans le détail les cheminements de l’écriture propres à chacun. La génétique des textes a montré que, contrairement au mythe tenace de l’inspiration qui s’emparerait de l’écrivain pour lui dicter un texte achevé et parfait, l’écriture littéraire est un processus. Nous pouvons transposer ce constat à toutes les formes d’écriture, des plus expertes aux plus quotidiennes : un courrier ne s’écrit pas d’un jet pas plus qu’un poème. Le bandeau qui surplombe la boîte de travail et de dialogue permet d’accéder à l’historique qui déroule dans une frise toutes les cheminements de l’écriture de l’élève, avec le moindre détail des saisies et des repentirs.

Non seulement l’élève peut se révéler à lui-même comme scripteur s’il se relit. Gageons qu’il parvienne à se distancier de son premier jet, et il reste d’ailleurs à créer des stratégies pour l’aider en ce sens. Surtout l’enseignant peut savoir ce qui se passe vraiment dans le cadre du groupe que ce soit pour remédier à l’improductivité du groupe aussi bien qu’à l’inégalité de travail entre les membres.

Jusqu’ici l’écueil du travail de groupe, c’est le risque qu’un fasse le travail de l’autre, et le plus souvent dans l’impunité. S’il ne faut pas certes pas devenir des enquêteurs de police d’écriture, il serait dommageable de se priver d’outils de régulation du travail collectif qui permette la justice de la notation individuelle, parce que chacun sait que la tricherie risque d’être observée . Cette frise du travail accompli relate l’histoire d’une relation de travail, la trace des frappes commises sur la page blanche, et des efforts de chacun pour la réussite collective.

Etherpad est un véritable témoin de ce qui s’est fait en classe vu qu’il recense au vu et au su de tout le monde la totalité des actions réalisées au clavier qui sont suivies dans le module d’historique.

Etherpad est un outil précieux pour aider l’élève à améliorer son écriture. Il permet d’abord de mieux affronter l’angoisse de la page blanche : si l’élève sait que son écriture est attendue par le professeur et que cela va le motiver pour agir, il sait aussi qu’il peut travailler à son rythme, que le moindre mot ne sera pas aussitôt commenté, corrigé, évalué.

Etherpad permet ensuite, aux professeurs de guider plus finement l’élève dans les phases de réécriture, de lui donner des consignes efficientes pour améliorer sa production, adaptées à sa propre pratique de l’écriture. Dans les démarches de classes habituelles liées à la pratique de l’écrit, il n’est pas toujours facile de proposer des remédiations sur un texte achevé. La tentation est forte pour le professeur de se limiter à des consignes portant sur les aspects normatifs de la langue (orthographe, syntaxe).

Etherpad permet de suggérer de s’inspirer de textes d’auteurs experts ou de pairs, de travailler sur l’enrichissement lexical ou sur la structuration des textes. On constate par exemple souvent une tendance des élèves à écrire des phrases très longues, qui épousent le fil de leur pensée comme s’ils s’exprimaient à l’oral. L’analyse de leur démarche avec Etherpad permet au professeur de saisir le moment où l’élève semble oublier qu’il s’exprime à l’écrit , de lui faire prendre conscience de la nécessité de distinguer le temps de la mobilisation des idées de celui de la rédaction...

De la nécessité du métissage

L’originalité d’Etherpad, c’est que chaque utilisateur qui se connecte dans l’interface se voit attribué automatiquement une couleur différente, en particulier pour écrire.

Pour peu qu’on leur demande en début d’heure d’inscrire leurs noms dans l’interface de dialogue qui permet de chatter, on a d’office l’identité des élèves . Attention néanmoins, cette question de couleur, si elle aide le professeur à repérer les individus, ne doit pas occulter l’essentiel, il s’agit de faire prendre conscience aux élèves qu’ils sont tous les co-auteurs d’une œuvre collective. N’hésitons pas à leur dire que chacun peut laisser sa trace sur le tableau qui est en train d’être peint. Si l’on commence par être admiratif de la capacité du voisin à rédiger, on peut aller plus loin en étant fier de l’apport qu’on y ajoute parce qu’il devient le travail qu’on fait ensemble.

Pour peu que l’enseignant utilise un mode d’évaluation qui insiste sur le collectif tout en laissant une place non négligeable à l’évaluation individuelle du travail collectif, alors les meilleurs élèves vont commencer à reprendre orthographe, syntaxe ordre et construction paragraphique du travail du groupe. Par petites touches d’abord, les meilleurs élèves corrigent les fautes d’accord ou l’absence de majuscule. Bien vite, certains se mettent à piloter et remanier le travail des autres. Parfois cela occasionne des micro-conflits car l’élève moins à l’aise avec l’écrit voit son travail comme une propriété privée, ne comprenant pas qu’il faut savoir s’en déprendre pour mieux réussir.

Selon moi pour ce qui est de l’argumentation, la question collaborative engage les mécanismes d’apprentissage méta-cognitifs aussi bien en Français qu’en HG, et aide véritablement l’élève à se forger un jugement négocié avec ses pairs. Le paragraphe se co-construit par touches comme s’il s’agissait d’un tableau de peinture où chacun contribue au brassage, au bariolage, au métissage...

On peut noter que l’apprentissage argumentatif s’enrichit ici d’une visualisation graphique, celle de la couleur qui permet d’appréhender l’idée... C’est donc une manière nouvelle d’aider les élèves à comprendre comment leurs pensées s’organisent selon un processus de retouches et d’échanges.

In fine, il convient de demander aux élèves de publier la production collective en cliquant sur le format de sortie proposé pour enregistrer son travail : Texte ou html. Quelle misère diront certains puisque n’y figure plus la moindre couleur, tout est lissé, harmonisé en noir et blanc : ne reste plus que le texte dans son plus simple appareil. En réalité, c’est exactement ce qu’il faut que les élèves visent : un résultat qui s’affranchit du processus qui y conduit et qui forme une œuvre collective ou se fondent étapes et individualités.

En conclusion

Etherpad est une manière de suivre les élèves, individuellement et en groupe, dans leurs cheminements d’écriture. Sa souplesse d’utilisation permet à chaque élève de progresser dans l’écriture en jouant de toutes les démarches d’amélioration qu’utilise le scripteur quel qu’il soit : respect d’une norme (qui peut être rappelée par le professeur), souci d’être compris (relecture par le professeur et par les pairs), prise en compte d’autrui (écriture collective, délibération).

Il apparaît donc comme une aide appréciable pour mettre en œuvre l’écriture - et notamment l’écriture longue - telle qu’elle est définie dans les programmes de CAP et de Bac Pro.

Alexis Lucas, Lycée Professionnel Jean Moulin, Roubaix